Biblio > Sources > 116

Type de textesource
TitreDe l’usage des statues chez les Anciens. Essai historique
Auteurs
Date de rédaction
Date de publication originale1768
Titre traduit
Auteurs de la traduction
Date de traduction
Date d'édition moderne ou de réédition
Editeur moderne
Date de reprint

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 409-410

Il eut l’honneur d’être choisi par Alexandre pour être son seul statuaire, qui afin que ses images ne fussent point altérées, travailleroit à ses statues en bronze, comme le seul Policlès devoit les graver, le seul Appelles les peindre, et le seul Pyrgotelès les ciseler, sous peine de sacrilege contre tout autre qui oseroit l’entreprendre.

Dans :Apelle et Alexandre(Lien)

, « Des statues en l’honneur des femmes » (numéro Deuxième partie, chapitre sixième) , p. 271-272

Si toutes les courtisannes auxquelles les Grecs dresserent des statues, eussent eu autant de titres séduisants qu’en eut Aspasie, une telle pratique mériteroit peut-être quelque indulgence ; mais ces monuments scandaleux de la lubricité des Grecs, devinrent trop communs pour ne pas surpasser, et la fidélité de l’histoire exige que nous en parlions.

On crut devoir consacrer aux siecles futurs la beauté surprenante de la courtisanne Laïs par une statue dans le temple de Vénus auprès de Corinthe [[1:Pausan. Corinth. lib. II]], statue à laquelle les femmes qui se vouoient au ministere des plaisirs d’autrui, rendoient des honneurs. La fameuse Phryné eut deux statues faites de la main de Praxitelle un de ses amants : l’une étoit sous la figure d’une matronne larmoyante, l’autre sous celle d’une courtisanne qui se réjouit, sur le visage de laquelle, dit Pline[[3:Deprebenduntque in ea amorem artificis et mercedem in vultu meretricis. Pl. l. XXXIV. 8.]] on voyoit et la passion de l’artiste, et le salaire qu’elle lui en avoit accordé ; on poussa l’impudence jusqu’à placer un pareil monument de libertinage sur une colonne dans le temple de Delphes, et c’est à la vue de cette image scandaleuse [[1:Elian. Variat. Hist. lib. IX. 32]], que Crater le Cynique dit que l’on voyoit dans le temple une offrande de l’intempérance des Grecs.

Dans : Apelle, Praxitèle et Phryné(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 392-393

C’est aussi en Égypte qu’on trouve les premiers vestiges du fameux Dédale. Les Grecs qui mettent ce sculpteur célebre à la tête de leurs artistes parce qu’ils le font originaire d’Athenes et fils d’Eupalon [[1:Paus. Ach. lib. VII]], le placent avant l’expédition des Argonautes, époque qui revient au regne de Minos, second roi de Crete, et au temps de Thésée[[3:Cela revient environ 1260 ans avant l’ère chrétienne.]]. On prétend que ce fut lui qui commença de rendre la nature dans son entier, en donnant des mains et des jambes aux statues et les mettant par-là, pour ainsi dire, en mouvement. Comme plus les gens sont simples, et que moins on a d’idées des choses, plus les nouveautés frappent, la surprise qu’occasionna ce spectacle inconnu, donna lieu à l’hyperbole, style ordinaire des siecles d’ignorance, que Dédale avoit trouvé le secret de faire marcher les statues. C’est à la même expression hyperbolique que doit sa naissance la fable qui attribue à Pygmalion, autre sculpteur de ces temps obscurs, d’être devenu amoureux d’une statue sortie de ses mains ; fable qui réduite au simple et au vrai, ne sauroit avoir d’autre fondement que l’enchantement de cet artiste à la vue de quelque degré de perfection sans exemple de son temps, auquel il avoit porté son ouvrage.

Mais pour revenir à Dédale, deux choses font à remarquer à son sujet , l’une est qu’il n’excella que relativement au mauvais goût du temps où il travailla ; car selon Pausanias même, les chefs-d’œuvres de ce sculpteur manquoient de proportion et étoient outrés et colossaux, suivant le goût asiatique, dans lequel il est apparent qu’il avoit puisé les principes de son art ; il étoit d’ailleurs placé trop près de l’origine même de l’art pour en embrasser toutes les parties et les perfections que l’enthousiasme lui a fait attribuer. L’autre chose est qu’il est très-douteux que les progrès de l’art statuaire soient dus à un artiste qui portoit le nom de Dédale.

C’est dans Pausanias lui-même que l’on trouve le fondement de ce doute [[1:Pausan. Lib. IX. in Beot. Δαιδαλος]]. Il dit que Dédale en grec veut dire ouvrier adroit ou artiste habile, et même un ouvrage fait avec intelligence et avec art. Il ajoute que l’on donnoit ce nom aux statues de bois, même avant le siecle où l’on place Dédale d’où il soupçonne lui-même qu’on ait donné ce nom aux fabricateurs de statues à titre de surnom pris de la profession[[3:Quin a Dedalis ligneis scilicet non autem proprio nomine ac germano Dedalo ipsi cognomen impositum fuisse arbitror.]]. Il y a donc lieu de conjecturer que tout ce que les poètes  et les historiens grecs nous débitent sur les voyages de prétendu Dédale, sur son habileté , sur ses chefs-d’œuvres , n’est que l’effet de leur prévention ordinaire pour leur pays dont ils le font originaire, et de la fécondité de leur imagination qui leur a fait donner si fréquemment de la réalité à des chimères, source féconde des fables de la Grece.

Ce soupçon se fortifie encore lorsqu’on nous donne Dédale pour un homme merveilleux et également distingué en architecture, en sculpture, et même en l’art de la marine pour lequel, dit-on, il inventa les voiles des vaisseaux lorsqu’il s’enfuit de l’isle de Crète.

Dans :Dédale et l’invention de la sculpture(Lien)

, « De l’origine des statues » (numéro Première partie, chapitre premier) , p. 3-4

Quelques anciens ont donné à la sculpture une naissance commune avec la peinture [[1:Plin. liv. XXXV. 12. Athenag. In legat. pro Christian. et vid. Junium de pict. vet. in catalog. pag. 56]]. Des profils de l’ombre d’un homme ou d’une brebis tracés sur un mur ou sur le sol, en firent naître également la premiere idée ; l’amour selon d’autres fut le premier artiste. Une jeune Grecque occupée de son amant qui se séparoit d’elle, pour en conserver la mémoire, essaie d’en dessiner l’image à la faveur d’une lampe, et fait ensuite la copie de cette ombre dessinée, avec de l’argille pris dans l’attelier de son pere Dibutades, potier de profession.

Quoi qu’il en soit de cette galante découverte, ainsi que de celles qu’on n’attribue qu’au hazard ; nous chercherons moins ici l’origine physique, que l’origine morale des statues, ou pour mieux dire, nous considérerons leur origine et leur progrès physiques, dans les causes morales qui les ont fait imaginer.

Dans :Dibutade et la jeune fille de Corinthe(Lien)

, « Des collections d’antiquités et des tatues faites par amour de l’étude » (numéro Deuxième partie, chapitre vingtième) , p. 381

La Vénus sortant de la mer fut estimée et payée 100 talents. Lucullus donna 8734 l. pour une copie de Licere servante de Pamphile qui en avoit peint l’original. Une très-grande statue d’Apollon que Lucullus transporta du Pont dans le Capitole coûta 639364 l. et il donna environ la valeur de 480 louis pour le modele de la Venus Genitrix. Les prix excessifs qu’on mettoit à ces monuments prouvent combien ils étoient recherchés.

Dans :Pausias et la bouquetière Glycère(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 402

L’intelligence de l’optique fut surtout ce qui rendit célèbre cet artiste. La Minerve vue de près révolta d’abord les connoisseurs, mais mise au lieu de sa destination, elle enleva tous les suffrages et fit rejetter celle d’Alcamene qui chargé en même-temps par les  Athéniens de travailler au même sujet, avoit donné à sa statue un fini et une délicatesse propre à être vue de près, ce qui le rendit le jouet de tout le monde.

Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 401

Le ciseau de cet artiste s’exerça également sur les métaux, sur  l’ivoire, et sur les marbres, et fut spécialement consacré aux dieux et aux héros [[1:Plin. lib. XXXVI. 5]]. Son Jupiter Olympien passa pour le plus grand effort  de l’art, ce qui fit dire que pour rendre avec tant d’expression la Divinité, il falloit qu’il fût inspiré par la Divinité même. Aussi obtint-il des marques d’approbation de Jupiter lui-même ! Car on dit qu’après l’avoir achevé, Phidias priant ce Dieu de déclarer par quelque signe visible s’il étoit content de son travail, sur le moment la foudre tomba au pied de la statue [[1:Plut. Vie de Périclès]]. Ce ne fut que quelques années après qu’il finit la fameuse Minerve que Périclès plaça dans le temple de cette Déesse à Athènes, ouvrage en ivoire et en or qui ne surprenoit pas moins par sa grandeur que par les gravures de tous les mystères de cette Déesse qu’on voyoit sur son bouclier [[1:Plin. XXXVI. 5.]].

Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)

, p. 438-439

Par là l’étude ne devenoit pas simplement une imitation servile attachée à un seul objet, mais un résultat de plusieurs objets desquels les artistes tiroient les traits qui les frappoient, et en formoient un tout régulier et parfait ; car voyant les perfections de la nature partagées entre différents individus, ils réunissoient ces perfections éparses, et en faisoient un tout plus parfait ; leur imagination enrichie, et leur goût épuré par la contemplation de la beauté individuelle, ils en imitoient à la vérité les parties, mais ils en inventoient l’ensemble. Ce fut la source de cette beauté idéale et transcendante qui n’appartenoit à la vérité pas à aucun objet individuel, mais qui surpassoit toutes les idées qu’on avoit de la beauté réelle, qui faisoit qu’on s’éloignoit quelquefois du vrai en faveur du beau. Cicéron[[3:Nec vero ille artifex cum faceret Iovis formam aut Mineruæ contemplabatur aliquem equo similitudinem duceret, sed ipsius in mente insidebat species pulchritudinis eximia quaedam, quam intuens in eaque defixus ad illius similitudinem artem et manum dirigebat. Cic. in Brut.]] nous donne une idée de ceci, lorsqu’en parlant du Jupiter et de la Minerve de Phidias, il dit que sans chercher des modèles de beauté et de majesté dans d’autres objets, il en créa lui-même les formes dans son esprit et que sa main ne fut conduite que par sa propre idée ; ce qui s’accorde avec le jugement que Séneque le Rhéteur[[3:Non uidit Phidias Iovem, fecit tamen uelut tonantem, nec stetit ante oculos eius Minerva, dignus tamen illa arte animus et concepit deos et exhibuit. Sen.]] porte des mêmes ouvrages en disant que Phidias sans avoir vu Jupiter, sut le faire paroître tonnant, et que sans avoir été frappé par la présence de Minerve, le génie créateur de son art conçut les Dieux et les rendit tels qu’ils sont.

Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 407

Tout prenoit de la vie et des graces sous le ciseau de Praxitelle, la vérité elle-même s’y trouvoit ennoblie, à la différence de Démétrius son contemporain à qui l’on reprochoit de mieux aimer la ressemblance servile avec ses défauts que de la relever par la beauté et les graces [[1:Auctor ad Her. Lib. IV. Quint. ins. lib. II. c. 10.]]

Dans :Le portrait ressemblant et plus beau(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 409

Remontant aux vraies sources de l’art, ce grand maître eut pour maxime de n’imiter aucun de ses devanciers, mais de méditer la nature elle-même, et de s’attacher à l’embellir. Interrogé par quelqu’un qui de ses prédécesseurs il suivroit, il montra une troupe de gens, disant que ce seroit de la nature et non des artistes qu’il prendroit ses leçons ; ajoutant que les autres faisoient les hommes tels qu’ils sont, mais que pour lui il les rendroit tels qu’ils paroissent ou devroient être ; principe dont un des peintres des derniers siecles[[3:Michel Ange Caravaggio, artiste fort extravagant et appellé Rovina della pittura, se piquoit de se faire le singe de Lysippe. Quand on lui indiquoit à Rome des statues de Phidias ou de Praxitelle comme des miracles d’élégance, il avoit coutume de répondre qu’il reconnoissoit la nature seule pour maîtresse, et il montroit ceux qui passoient, en disant voilà mon Phidias et mon Praxitelle : aussi cette négligence d’étude lui fit essuyer la mortification de voir plusieurs de ses productions ôtées des autels.]] abusa si fort au préjudice de son art, qu’il étoit appellé par ses contemporains la ruine de la Peinture.

Dans :Le portrait ressemblant et plus beau(Lien)

, « Des progrès et des avantages réciproques de la sculpture et de l’idolâtrie, produits par l’altération et l’abandon des maximes précédentes » (numéro Première partie, chapitre septième) , p. 78

La perfection d’une nouvelle statue favorisoit d’autant plus les progrés de l’idolâtrie, que sa célébrité devenoit quelquefois la source de nouvelles populations et de nouvelles villes, par le concours des étrangers qu’elle attiroit. C’est à son Cupidon de marbre, dit Ciceron[[3:Propter eum Thespiæ visuntur, nam alia visendi causa nulla est. Verr. IV.]], que la ville de Thespie devoit son être, témoignage que Pline cite en parlant du concours que la Vénus de Praxitelle attiroit à Gnide. La beauté de la statue, et la majesté du temple devinrent aussi la principale source de l’accroissement de la ville d’Éphese, et les sacrificateurs se trouvoient fort bien de l’erreur générale des Grecs tant ignorants que savants, qui y concouroient.

Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)

, « Des collections d’antiquités et des tatues faites par amour de l’étude » (numéro Deuxième partie, chapitre vingtième) , p. 381

Cicéron parle du prix immense que l’on donnoit pour certaines pieces [[1:Cic. Verr. IV]]. Nicomede voulut acheter des Gnidiens la Vénus de Praxitelle pour une somme prodigieuse.

Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)

, « Des sculpteurs de l’Antiquité » (numéro Troisième partie, chapitre premier) , p. 407-408

Mais parmi tous les ouvrages que nous ne faisons qu’indiquer, la Vénus Gnidienne mérite quelque détail à part. Les grâces, les proportions, l’énergie et le charme de celle de Médicis, sa conformité parfaite, en un mot, à la description que Lucien nous fait de celle de Gnide, nous mettroit à portée d’admirer encore ce prodige de la sculpture, si l’inscription[[3:On dispute sur le mérite de cette inscription, les uns la disant antique, les autres prétendant qu’elle est l’ouvrage d’un moderne, faite dans le temps que cette belle statue fut trouvée à Tivoli.]] grecque qui accompagne celle que nous possedons ne l’attribuoit à Cléomene fils d’Apollodore  d’Athènes, inscription cependant qui est regardée comme apochryphe.

Quoiqu’il en soit, la célébrité de ce chef-d’œuvre de Praxitelle étoit si grande que plusieurs entreprenoient le voyage de cette isle uniquement pour la voir. On rapporte à ce sujet une anecdote : c’est qu’ayant fait deux statues de cette Déesse, l’une voilée, l’autre nue et regardée comme impudique, les Cnidiens peu scrupuleux  achetèrent la dernière comme surpassant l’autre en perfection, et ils la placèrent dans une chapelle ouverte dans toutes ses faces afin qu’on pût la voir sans empêchement de tous côtés. La nature étoit si parlante dans cette figure qu’on prétendoit qu’elle excita la passion d’un libertin, qui caché de nuit dans la chapelle y laissa des marques de sa lubricité. Pline[[3:Par Veneri Gnidiæ in nobilitate et injuria adamavit enim eo Alchidas Rhodius atque in eo quoque simile amoris vestigium reliquit. Plin. lib. XXXVI. 5.]] dit qu’un Cupidon du même artiste qui étoit dans la Propontide, partagea la même gloire et la même honte ; contes peut-être qui ont donné lieu à celui qu’on fait à  Rome dans le même goût touchant une statue plus respectable. Ce qu’il y a de sur c’est que le Roi Nicomede offrit en vain aux Gnidiens un prix immense pour leur Vénus, car la regardant comme un monument qui faisoit la plus grande illustration de leur ville, ils auroient plutôt tout sacrifié que de la perdre.

Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)

, « Du costume » (numéro Troisième partie, chapitre troisième) , p. 457

II y eut cependant des Grecs qui se piquèrent de l’ancienne sévérité, surtout à l’égard des statues de femmes. Les habitants de  Coos ne voulurent point acheter une statue de Vénus quoiqu’excellemment travaillée, parce qu’elle étoit nue et préférèrent celle qui étoit voilée [[1:Plin. lib. XXXVI]]. Les Oneyrocrites disoient qu’une Vénus toute nue n’étoit bonne que pour les femmes de mauvaise vie qui demandent le prix de la beauté [[1:Arthemid. cap. XL. 11]]. Toutefois le goût de la nudité des figures prévalut chez les Grecs, et presque toutes leurs Vénus qu’on voit dans les différents cabinets d’antiquités, sont sans voile ainsi que l’Hercule Farnese, l’Antinoüs, l’Hermaphrodite, et tant  d’autres statues grecques. Parmi celles dans ce goût qu’on voit à Portici, il y en a une d’un jeune homme d’onze à douze ans qui doit être un portrait ; il est aussi parfait que l’Antinoüs qui est à Rome.

Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)